Art(s) et littérature >> "La table" (Pomme... en compote)
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Jeudi 27 Juin 2013 - 20:33:31
En guise d'avertissement - d'introduction -, je dirai que ce récit est une allégorie. Voilà. Et que, soit vous le trouverez parfaitement chiant, soit... je ne sais pas. Les titres en italiques sont les titres des chapitres de cette histoire provisoirement nommée La table.

Bonne lecture !

Les lèvres
 
D’abord, c’est l’odeur ; la peur, la transpiration, l’inquiétude, tout cela flotte
dans l’air tout en nuances grisâtres mêlées de fumée de cigarette.
Ensuite, le toucher : sous tes pieds, un sol froid, bétonné, désespérément lisse. Gris, comme tu l’imagines. Le béton a toujours été gris. Sous tes doigts, une table froide elle aussi, en une espèce de plastique de table qu’on met dehors, facile à nettoyer. Facile à briser.
Puis, le goût : ta bouche est sèche. Tes lèvres ont un goût amer et relevé ; elles saignent. Qu’as-tu fait pour en arriver là ? Tu passes plusieurs fois ta langue sur les lèvres de Ton épreuve et de ta folie.
L’ouïe : un bourdonnement discret au premier abord, mais insistant à la longue. Plus qu’exaspérant. Tes nerfs craqueront. Tu chercheras à te Suicider,
avec n’importe quoi. Et tu mourras étouffé par Ton propre sang, sans même avoir pu goûter la vie.


Mais tu allais oublier le meilleur, ce à quoi nous sommes tous soumis sauf accidents ou problème de naissance : la vue. Le sens qui nous sert le plus. Celui qui nous sert à nous repérer. A connaître notre apparence. A critiquer. A
foudroyer. A aimer. A désirer.
Celui qui vas te permettre de savoir, non pas où tu es, mais dans quel genre
d’endroit tu te trouves. Allez. Ouvre, ouvre-les.

Devant toi, un mur gris. A ta gauche, un mur gris. A ta droite… Derrière…
Dessous… Dessus… La même chose. Tu ne vois pas de porte. Comment ai-je pu atterrir ici, te demandes-tu.
Mais tu sais que c’est vain. Tu dois attendre. Pas de
fenêtre, pas de grillage. Pas de nourriture ni de boisson, tu n’en auras pas
besoin.
Sous tes mains, devant tes genoux, se dresse une table d’un vert indéfini, crasse. Ta chaise est en bois, d’un bois… tu ne trouves pas le mot. Sur cette
table ; de quoi écrire. Des feuilles, des feuilles blanches partout. Des stylos, des crayons, des gommes.
Mais d’où vient l’odeur de cette satanée clope, résonne une voix, en toi. Tu te mets à paniquer. Tu veux te lever. Mais seule ta tête peut tourner. Personne. Il n’y a que toi. Que toi, ces pages et cette odeur de tabac en train de se consumer, toujours, et encore.
Pourquoi ne peux-tu pas te lever 
?
Ah, c’est une bonne question.
Accepte.
Allez, fais un effort.
Tu sais, en toi, que la panique ne te servira de rien. Elle pourrait peut-être
te donner assez de force pour te redresser. Peut-être. Mais non. Il te faut
quelque chose d’autre.

Oui, pleure. Fais-moi entendre tes gémissements pitoyables. Ils sont pourtant
le début de ta délivrance. Tu acceptes d’être vidé.
Ah, ces pleurs déchirants ! Ah, ces petits cris hoquetés ! Nous sommes tous passés par là. Tu sais. Tu sais mais tu ne l’as pas réalisé. Cinq minutes ? Dix minutes ? Prends tout ton Temps. Libère ton ventre et ta gorge de cette grosse boule dure qui te torturait.


Maintenant, tu es prostré sur cette chaise raide. Tu la hais. Tu hais cette salle, cette table, ces pages, cette odeur. Tu te hais, toi-même. Tu voudrais te frapper, te mutiler. Te tuer pour échapper à ça.
A ton existence creuse, vide, faite de… Non. Tu dois l’apprendre toi-même.



Jeudi 27 Juin 2013 - 20:39:23
Les doigts

Tes jambes repliées contre toi-même, la tête contre tes genoux, les yeux fermés… Tu redresses soudain le visage, tu te regardes.
Tu te fais face. T’affronterais-tu ? Ou t’accueillerais-tu ?

Lentement, précautionneusement, d’une manière hésitante, tu déplies tes jambes. De longues jambes, comme pour explorer le sol. A la manière d’une araignée.
Tes pieds retrouvent le contact glacé du béton, et, piqués par l’éclair froid, ils remontent dans l’air plus chaud, les orteils… orteils ? Oui, tu fais courir tes doigts sur tes jambes, non pas sur des habits les recouvrant. Tu es nu. Face à toi-même, sans… Allez, dis-le. Tu as peur de le formuler, n’est-ce pas ? Tes habits te protégeaient. Mais tu es seul. Tu as donc tout le Temps d’accepter ta réalité.

Promène tes doigts sur Ton visage. Tes doigts longs, minces, d’ailleurs. Leurs sens dessinent des joues minces parcourues de multiples creux et bosses si minces qu’ils arrivent à peine à les détecter ; si tes yeux pouvaient te voir, tu croirais ta peau parfaitement lisse.

De tes joues, tes mains passent à tes lèvres. Minces elles aussi. Tu sens une blessure encore ouverte s’éveiller en sursaut. Un éclair de douleur te traverse, quelque chose se met à couler sur Ton menton. Instinctivement, tu l’écartes.
Après les lèvres, tu fais la connaissance de Ton nez : lui aussi mince, et petit. Quoique… Tes doigts te présentent des narines qui te paraissent trop grosses pour un os entouré de peau.

Continue de monter, fais marcher les pattes de tes mains. Les yeux, maintenant. Tu ne peux en savoir la couleur : pas de miroir, que des murs, rappelle-toi. Mais ils sont plutôt grands, ainsi en juges-tu en faisant le tour des paupières. Lentement. Tes sourcils sont moyennement épais, pas trop touffus ni trop féminins.
Tes doigts, tes mains tremblent. C’est normal.

Surmonte la peur. Continue. Tu passes à tes oreilles. Tu parcours le lobe, tu ressens Ton oreille dans son pourtour, puis tu vas lentement jusqu’à l’entrée de l’oreille moyenne.
Suis le front. Il est haut. Sur lui tombent quelques mèches de cheveux, que tu repousses, avec énervement d’abord, puis tu te souviens… Tu ne te connais pas. La seconde mèche est placée en arrière avec beaucoup plus de… respect.

Suis le front. Suis les chemins des rides qui se sont formées dessus ; les rides de l’inquiétude, de la méfiance. Elles sont profondes, mais tu peux les effacer.
Enfin, tu touches à tes cheveux. Ils sont assez longs pour un homme. Lisses, et gras. Là aussi tu n’en connaîtras pas la couleur. Depuis combien de Temps n’as-tu pas lavé tes cheveux ?

Mais ce n’est pas l’important. Il te reste tout Ton corps à découvrir. Enfin, ce que tu pourras en découvrir, pas l’entier.
Tu actionnes, lentement, les muscles de la nuque. Tes yeux se baissent et voient, balayent lentement des pectoraux plutôt développés, un ventre dur quoique sans abdominaux dessinés, des bras minces mais durs, des doigts à la paume couverte de corne et de cloque.

Ces derniers, d’ailleurs, accompagnent tes yeux dans Ton exploration. Tes jambes ; minces et longues, tu le sais déjà. Poilues, aussi. Tes pieds sont froids, mais moins qu’avant : ils se sont habitués au sol.

Tu te demandes, plus calmement, ce que tu fais là. Et tu vois les pages. Tu vois les crayons, les stylos. Tu dois écrire. Pour exister d’abord, pour exprimer l’existence ensuite.
Tu n’as que cela à faire.

Tu passes encore ta langue sur ta lèvre saignante. Le goût de Ton essence.

Jeudi 27 Juin 2013 - 20:41:58
La pièce

Vois ces murs, vois cette table, vois cette chaise. Ces feuilles. Tu ne le sais pas encore, mais tu es beaucoup plus serein qu’il y a vingt minutes, quand tu haïssais tout ce qui composait cette pièce.
Mais tu l’as déjà acceptée.
Cette pièce… a forcément une insertion logique dans quelque puzzle de dément, penses-tu. Peut-être… En attendant, c’est Ton univers. Oh ! Tu t’empares d’une feuille, et tu écris…

« Mon univers, ce sont ces murs gris, ce sol et ce plafond tout aussi gris, cette chaise de bois insipide et cette table de plastique détestable. Je ne sais pas ce que j’y fais, comment j’y suis arrivé, mais…
… La délivrance ne peut venir que de ma mort, ou de mes mots sur ce papier. Il n’y a pas de porte, pas de poignée.
Je ne peux pas me lever : je n’en suis pas capable…
»

… Tu as mis du Temps à t’en apercevoir, sûrement parce que l’opération est conçue de manière à ce qu’on ne s’en aperçoive jamais immédiatement. L’encre est rouge.
Ton sang.
Tu écris avec une partie de ce qui fait Ton être. Tu y es obligé, sans quoi tu n’aimeras jamais tes mots ; tu ne t’aimeras pas. Il le faut pourtant. Tiens Ton doigt, contemple l’encre si rouge, qui déjà change de couleur et devient brune couleur de boue… Panique encore un peu. Mais tu apprendras à supporter, encore et toujours. Ou tu craqueras.

Le stylo, pourtant, à l’air parfaitement normal. Tu le tiens entre tes doigts, tu le jettes comme s’il était porteur d’un maléfice. Sur la feuille est un gros trait rouge qui part du e de capable. C’est un bon début. Cela aussi te fait vivre, cela étant la vivacité d’une coupure.
Elle t’emmerde, elle te gêne. Tu la sens palpiter, chaque pulsation, tu la sens. Lèche le sang, lèche. Imprègnes-en ta langue et tes lèvres.
Tu finis par te calmer, encore une fois. Tu respires profondément. Avant tu dérivais, maintenant tu as quelque chose à faire. Parce qu’avant tu ne faisais rien. Peut-être. Quoiqu’il en soit… Voilà Ton esprit dirigé vers un but. Espère donc l’atteindre.
Continue. Tu prends un autre stylo…

« … et je me demande si je le serai jamais. J’écris avec mon sang. Cela fait mal, comme je n’ai jamais éprouvé de mal auparavant. C’est vif, c’est rapide. La table en est colorée, le sol aussi, les murs, un peu, à cause du premier stylo que j’ai jeté… »

… Affronte ! Affronte ! Tu as réussi à écrire quatre ligne en étant pleinement conscient de cette douleur, affronte-la, accepte-la, fais-en ta compagne…

« … des taches qui changent et qui deviennent, de rouge vif, brunes et noires comme de la terre boueuse. Je ne pensais pas qu’écrire ferait autant mal. Je dois… Je le dois… Je le sais. »

… Tu le dois surtout parce que tu es dans une impasse et que tu veux y trouver un sens quelconque. Tu en as besoin, de cette cause ultime. Mais pourtant, tu y penses et tu ne sais même pas pourquoi tu penses ainsi…

« Je le sais.
Tout cela est sûrement une épreuve quelconque, un test, et si je le réussis… si je le réussis - quoi ? Si j’écris avec mon sang, il s’agit forcément de quelque chose de plus intime qu’un roman. Mais pourtant, tous les écrivains ne racontent-ils pas leur propre histoire au travers de leurs romans, même les plus fantastiques ? De manière allégorique, je veux dire.
Quelque chose de plus intime qu’un roman.
Quelque chose sur moi ?
Qu’y a-t-il à raconter sur moi, si ce n’est ce que j’ai déjà écrit, à savoir que je suis dans une pièce fermée, bétonnée, assis sur une chaise en train d’aligner des mots avec mon propre sang ?
Oh. Mais je ne peux raconter que l’instant présent. Instant… Dans ce mot, il y a la sonorité Temps. Pourquoi, d’ailleurs ? Pourquoi ce mot ?
J’ai trouvé ! Aïe ! Putain…
»

… Tu lâches le stylo, cette fois. Tu serres ton doigt - non, tes doigts - au lieu de les tenir simplement, ils saignent tous, tous ceux de ta main droite. Tu te demandes comment tu as trouvé la force d’écrie Aïe ! Putain alors que tu ressentais déjà une douleur beaucoup plus forte que celle à laquelle tu t’étais habitué.
Mais oui, tu as trouvé. Un sujet de départ, du moins. Pas le moindre, d’ailleurs. A ta place, j’en aurais pris un bien plus évident à mes yeux… A ta place. Mais je n’y suis pas. Il n’y a que toi. Avec une grande mission, mais sans autre pouvoir magique que ton écriture et ta sincérité. Tu ne sais même pas si cela sera utile, d’ailleurs. Mais il le faut.

« … de merde de bordel de chien ! Pourquoi la douleur s’est-elle accentuée quand j’ai parlé du… maintenant j’ai même peur de l’écrire, tiens… C’est si intime que cela, ce sujet ? Parlons d’autre chose, alors… Je me suis déjà demandé qu’est-ce que je faisais dans cette foutue pièce. Cette prison.
C’est une boîte de quatre murs de béton gris, sans couvercle, sans porte, sans fenêtre, éclairée par une ampoule nue, avec une table en plastique, une chaise, et moi. Moi, nu. Pourquoi suis-je nu d’ailleurs ? Qui m’a mis là-dedans, bordel de merde ?
Non. Il faut que je me calme. Je risque de faire revenir une douleur plus forte encore si je m’énerve. Je risque de péter un câble et de me tuer en ne me contrôlant plus. Je ne le veux pas. Je veux vivre. La mort m’inquiète.
Un autre pourquoi.
Commençons par la pièce. C’est une sommation. Je dois écrire, ou devenir dément. Oh ! Y en a-t-il d’autres ? Pas loin ? Que je pourrais atteindre, et… je ne le pourrais pas. Pas de porte ni de fenêtre.
Cette boîte est entièrement artificielle, humaine : la Nature n’a pas de béton, pas de plastique. Pas de chaise, ni de table. Extraterrestre ? Qui a dit qu’ils ne mangeaient pas sur des chaises, attablés ? Mais il ne s’agit que de notre vision, humaine, de la chose, n’est-ce pas ?
Pourquoi est-elle entièrement artificielle, d’ailleurs, cette putain de boîte ?
».

Ça… Tu le découvriras demain. Peut-être. Même si tu n’es pas en mesure de savoir qu’un jour vient de passer. Tu es fatigué, non ? Alors…

… Dors.

Jeudi 27 Juin 2013 - 20:58:08
La main

Ton dos a mal. Tes jambes souffrent. Tes os, ceux de la nuque craquent quand tu relèves la tête.
Qu’est-ce que cela fait, alors, de dormir sur une chaise sans pouvoir en tomber ?
« … Aaaah, putain… Ça fait mal. »

Beau commencement. La douleur est l’une des voies les plus faciles à explorer pour se rendre compte que l’on est vivant. Tes blessures de ta main, à peines refermées, se sont rouvertes : tu continues à écrire avec toi-même.
Ce qui, d’ailleurs, commence à imprégner la pièce, par petites traces brun-rouges sur la plaque de plastique sur laquelle tu écris, sur laquelle ta tête s’est reposée. Par traînées sur le sol et sur le mur, là où le stylo a percuté le béton avant de s’écraser au sol avec un bruit creux. Les traces de sang forment des traits vivants et bruts sur cette paroi de non-vie. Elles… la fissurent.

Tu ne voudrais bailler, tu voudrais t’étirer. Tu y parviens, en allongeant tes bras le plus possibles dans un concert de craquement douloureux et de crampes musculaires. Puis, tu vois ta page, sur laquelle tu viens d’écrire, machinalement presque.
Assimilation.
Réflexe.
Étrange, non ? Pas de paroles, juste de l’écrit. De l’écrit brut. De la roche-mère.
Tu balayes les phrases, les reconnais, les graves. Tu te rappelles : « Pourquoi est-elle entièrement artificielle, d’ailleurs, cette putain de salle ? ».

Prends le stylo. Cesse de trembler, main. Accepte ta douleur. Accepte de la voir, elle si rouge. Elle qui dessine des rivières et des branches sur ta main, sur Ton bras, et qui pleut sur la table.
L’écriture peut jaillir à présent.

« Artificielle. C’est le mot. Artificiel, c’est ce qui n’est pas naturel. Le béton, le plastique. Un artifice, c’est… un stratagème. Un tour de passe-passe. Quelque chose d’irréel, aussi.
Cette salle peut donc… être modifiée. Artificiel : faire de l’art. Quelque chose de fabriqué, de main d’Homme.
Mon sang a creusé des petites crevasses dans le béton. L’a rongé. Elle n’est pas immuable, cette salle. Je me l’approprie. A défaut d’en sortir, je la changerai pour qu’elle me reflète.
»

Pourquoi le rouge ?
« Parce que le rouge est sanguin. »
Pourquoi le sang ?
« Parce que le sang est vivant. »
Pourquoi la main ?
« Parce que c’est la mienne. »

Une troisième main est arrivée. Tu… t’es levé. Sans t’en apercevoir. Tu t’es assis face au mur derrière la table, en face de toi. Et, à l’endroit où tes yeux se portent quand tu regardes le gris du béton, juste en face, assis, tu as imprimé ta main couleur de Ton sang.
L’Art vivant.
L’Art-douleur.
L’Art sacré.
L’Art premier. Faire de ce vide, de ce vertige bétonné, quelque chose de plus.
Tu te retournes. Vois la table. La chaise. Tu réalises. Non, ne parle pas. Ne Dis rien.

Pourquoi ta main ? Pourquoi pas Ton pied, ou Ton œil, ou tes fesses, ou Ton coude ? Bouges, remues tes doigts poisseux. Ressens-les. Ils sont uniques. Il n’y en a pas d’autre comme les tiens. Et c’est avec eux que tu écris. C’est avec eux que tu as découvert Ton visage et Ton corps. C’est avec eux que tu touches.

Tu réalises qu’on pense peu à autre chose qu’à la main quand il s’agit du toucher.
Pourquoi ?
La main qui tient. La main qui créée. La main qui tient la vie… Celle-ci en coule, de la tienne repliée et de l’autre, de ta trace, aux doigts passionnément écartés. Elle a creusé un trou à son image ; la vie écarte son opposé : la non-vie.
« L’opposé de la vie n’est pas la mort… »
Non.

« … pas la mort, et ce dessin est bien plus fort que mon écriture. Ma main rouge sang : la création vivante, que j’aime parce que je l’ai arrachée à moi, et pour cela j’ai mal. Ma main rouge symbolise mon être, alors que le mot… est creux.
Au Temps où le dessin était universellement utilisé pour communiquer, que ce soit par l’Homme ou par les postures animales, le symbolisme était extrêmement puissant. Que symbolise le mot ? Ce qu’on veut qu’il soit. Que symbolise le dessin ? Tellement plus… Il est une force bien plus ancienne tirée de la Vie elle-même.
»

Tu ne pensais pas aller si loin, n’est-ce pas ? En quelques pages à peine, en deux « jours » ?
Parce que la notion de jour et de nuit n’a pas de sens, dans une pièce sans porte ni fenêtre, perpétuellement éclairée par un « Soleil » cru, artificiel et électrique. Et le Temps… tu l’as déjà nommé deux fois. La première fois, rappelle-toi, quelle intense douleur as-tu éprouvée ? Sais-tu pourquoi ? Sais-tu comment l’éviter ? Sais-tu si tu peux seulement la contourner ? Non, et tu as peur.
Mais tu l’as nommé une seconde fois. As-tu ressenti quelque chose de particulier ? On ne dirait pas - pourtant…

Tu voudrais tapisser cette salle de mains sanglantes, mais tu t’écroules : tu tombes à genoux d’abord, la vue brouillée, auréolée de blanc aveuglant, puis face contre sol dur et froid.

Vendredi 28 Juin 2013 - 10:59:34
Le cri

« Au Temps où le dessin était universellement utilisé pour communiquer »… Mais quand ? Tu ne peux t’empêcher de penser au plus que célèbre passage de la Bible, qui décrit la Dispersion de l’Homme qui, parlant une seule et même langue, pouvait se comprendre et commença la construction de la Tour de Babel ; Dieu créa donc plusieurs dialectes pour que les Humains ne se comprennent plus, les travaux de la Tour cessèrent donc et l’espèce humaine se dispersa sur la Terre.
… Plusieurs dialectes. La création des mots, donc. La création du plus que fameux langage articulé, celui qui fait notre fierté orgueilleuse et une des choses qui nous fait croire à notre supériorité naturelle sur le Vivant ; parce que les animaux, les plantes, la Nature entière utilise encore le dessin - dans un sens plus profond que l’image rendue sur un support, le support étant l’air et l’animal étant le dessin - et ne peux donc pas nous comprendre : de là est inférée notre intelligence supérieure.

De là, quand ce n’est pas bêtement à cause de la taille du cerveau…

Tu te relèves péniblement, te rassieds sur ta chaise, et recommence à écrire :

« Les mots qui composent notre langage auraient une origine divine, selon une des sûrement très nombreuses interprétations de ce fameux livre qu’est la Bible. Mais s’ils sont inférieurs au dessin, inférieurs parce que modifiés au cours des âges par l’Homme, ce serait donc volontaire.
Pourquoi Dieu a-t-il pris peur de l’Homme, d’ailleurs ?
En a-t-il seulement pris peur ? S’il est Dieu, je ne crois pas. A-t-il voulu leur faire comprendre qu’il est leur Roi et qu’ils lui doivent une obéissance absolue, puisqu’il est Sagesse et qu’eux sont imparfaits ? Ce serait bien incohérent et despotique de la part d’un être d’amour.
Il aurait plutôt cherché à leur apprendre qu’ils sont en lui - englobés dans sa création -, mais non pas comme lui, et pour prendre pleinement Conscience de ce fait, l’Homme doit donc réapprendre le dessin - le Langage Naturel ? - et le silence.
»

Tu te relis. A toi viennent plusieurs conséquences de Ton texte… Le mot, avec ses implications de sens, de signification, de Message, de compréhension, de destinataire, et de destinateur, expliquerait que les poètes se voient impuissants à parler de certaines choses beaucoup trop puissantes et profondes pour qu’un simple artifice puisse le révéler. D’où le fait que, le christianisme ayant été instauré par des hommes - des êtres masculins, donc -, on dit Dieu : s’il avait vécu sous la houlette des femmes, on aurait parlé de la Déesse

Tu comprends qu’il te faut fouiller l’étymologie des mots, tu comprends qu’il te faut comprendre le fonctionnement même du monde…
Tu prends peur, tu t’agites.
Tu sens que Ton Mental est trop étroit pour une telle tâche. Ton Mental, ta logique rationnelle purement humaine, ne peut être à même de saisir quelque chose d’autant énorme.

Mais tu dois essayer. Mais si je n’y arrivais pas ? Une autre phrase te revient en mémoire, placée là comme pour mieux te paralyser : « Romantisme à part, il n’y a pas d’autre issue à la pensée pure que la mort ».
La Mort. Tu en as peur, comme tous les Hommes. Parce que c’est l’Inconnu, le Grand Saut.
La panique t’emporte comme une déferlante, tu es à l’étroit, tu voudrais sortir ! Mais il n’y a ni porte, ni fenêtre, rien que des murs en béton parcourus par endroit de Ton propre sang jusqu’à la consécration en forme de ta main.
L’artifice résiste. La logique par à l’assaut. Rends-toi, hurle-t-elle, et les murs, les murs bougent, se resserrent contre toi avec un hurlement déchirant, grinçant, mécanique, jusqu’à ce qu’ils te touchent et t’oppressent, ta tête est en feu ! Sueur, spasmes, bave et explosion ! Bouche ouverte, dents en fusion, langue rouge…
Annihilation.
Hurle, hurle, HURLE !!
- YAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !

Les murs se retirent, et tu tombes. Ton souffle est vide. Tu dérives - mais tu laisses aller. Tu ne veux pas penser. Dormir, dormir encore.

Laisse faire.

[La citation provient de : Antonin Artaud, L'Ombilic des Limbes, éditions Gallimard : Paris, 1968, p. 32]


Jeudi 04 Juillet 2013 - 19:44:54
L’ouverture

La douleur est ce qui te rend vivant. Elle fait que tu apprends. Plus elle est grande, plus tu apprends.

Quelque chose a changé. T’appuyant sur ce qui a tenté de te réduire en bouillie, tu te redresses et t’aperçois que les fissures sont plus nombreuses qu’avant. Tu saignes, aussi. Ton nez dégage du sang. Ta tête dégage du sang.
Qu’as-tu fait pour être autant ouvert ?
Qu’as-tu fait pendant ces quelques secondes de hurlement ?
Pendant ces quelques secondes de déchirure ?

Appuyé contre ce mur lézardé, tu vois à travers tes yeux humides : non pas la table, non pas la chaise, mais en face, il y a une fenêtre.
Comment ?
Non, non, ce n’est pas possible. Ces murs… immuables ? Ils viennent de tenter de te détruire. Indestructibles ? Ton sang les fracture. Et là… Une ouverture sur ce qu’il y a dehors.
Tu t’approches.
La vitre est opaque, poussiéreuse, pleine de buée. Divisée en quatre carreaux à armatures de bois qui respire l’ancienneté, elle aurait besoin d’un grand rafraîchissement : tu ne peux voir au-delà, et un sentiment de frustration mêlé à un autre, plus diffus, de protection, s’insinue par tes narines. Personne ne peut te faire de mal. Tu ne peux voir autre chose que… toi-même !

Approche-toi, puisque tu peux enfin contempler Ton visage.
Tes doigts auraient-ils exagéré ? Ou tes yeux verraient-ils déformé ? Tu te vois plus mince et plus féminin que tu l’avais senti… Tes yeux sont vairons ; un bleu et l’autre noisette. Un regard d’Eau, l’autre de Terre. Tes cheveux sont bruns, lisses, et gras ; ils touchent aux épaules.

Tes doigts rouges dessinent des traits écarlates sur tes joues quand tu compares Ton toucher à ta vue. Des peintures de guerre, aurait dit l’Homme Blanc, mais l’Amérindien sait que ce n’est pas le cas.
Puis tu approches, lentement, le bout de Ton index sur le verre humide, tu le vois venir depuis l’autre côté, jusqu’à la rencontre, froide, mouillée, vive.
La réaction ne se fait pas attendre : tu bas en retraites, grand index. Doigt accusateur, doigt désignant, doigt caressant, tu ne t’y attendais pas ? Mais après la peur vient la poussée d’envie, recommence !
Ta main rouge se plaque contre le verre, efface les perles d’eau pour n’y laisser que le verre ; tes blessures d’écritures sont refermées mais tu ne peux voir l’au-dehors.

Retourne à la table…

« Fenêtre veut dire ouverture, mais pourtant je ne vois que moi-même dans cette vitre opaque.
Une fenêtre sur moi-même ? Hahaha, ce serait trop gros pour que le sens soit celui-là, à mon avis. Peut-être qu’il y est compris, mais je pense qu’il se cache quelque chose de plus profond.
De jeune homme simplement nu, me voilà jeune homme nu barbouillé de blessures et de sang, mais j’ai pu me voir, du moins, mon visage. C’était quelque chose qui me manquait.
Je n’ai pas les deux yeux de la même couleur.
Me voilà bien avancé.
Et écrire avec mon propre sang ne me fait même plus mal…
»

Ah bon ? Tu l’as sûrement oublié, alors. Mauvais, cela. Tu dois toujours en être profondément conscient. Rafraîchissons ta mémoire…
Tu cries à nouveau, lâche le stylo, ta main tremble, tes blessures ont pulsé brusquement : un couteau invisible dans ta chair, une lame intérieure. Tu dois toujours être conscient du lien écarlate entre toi et Ton écriture.

« … Non, en fait je n’ai rien dit. Mes blessures me tirent, elles qui ont explosé quelques minutes auparavant.
Cela commence à m’agacer, même si je sens que c’est important de l’avoir toujours en conscience. Pour écrire les mots, pour écrire la Vie. Quoi d’autre de mieux dans une boîte artificielle que d’invoquer le Vivant pour s’échapper ?
»

Jeudi 04 Juillet 2013 - 19:51:47
La Fenêtre

Les murs sont encore plus lézardés. Ta main te tire, tire sur le lien. Tire. Une corde sanguine entre tes mots et Ton être, une corde brillante sur laquelle tu cours infiniment jusqu’au papier. Jusqu’à tes mots.

Les mots ? Pour les comprendre, tu réalises qu’il ne faut pas les comprendre mais t’en imprégner.

Les murs sont parcourus de veines rouges. Le sol aussi, les pages se nourrissent sans fin de tes mots.

Les mots ? En un sens, l’écriture est une sorte de dessin, surtout lorsqu’elle est calligraphiée et contient une foule de symboles. Et encore plus lorsque ses lettres au sens de ? ou ?… Lorsque ses lettres ne sont pas des lettres au sens de ? ou ? mais sont reliées profondément au Vivant, comme, par exemple, les Oghams.
Les Oghams ou l’Alphabet des Arbres… Chaque « lettre », alignée en colonne de bas en haut ou en ligne de gauche à droite, représente un Arbre et représente les vertus bien distinctes de celui-ci, en fait de lettre, il s’agit plutôt de traits : à droite du tronc, à gauche, obliquement en travers de celui-ci, perpendiculairement en travers de celui-ci, montant par groupe de cinq à mesure que l’Arbre croît. Et chaque Ogham a une couleur ; son lien, qu’il soit brun, marron, rouge, vert, vert foncé… De la Naissance - Beith, le Bouleau - à la Mort et à la Résurrection - Idad, l’If.

Car tout est là : l’écriture, pour être réellement puissante, doit agir comme lien permanent et vivant avec ce qui vit - oui, c’est une répétition…

« Mais d’où vient l’alphabet latin ? Les lettres sont-elles entièrement artificielles, où découlent-elle logiquement du dessin ? Sont-elles une dernière lueur de symbolisme surnageant dans la prison du vocabulaire ?
Les phrases sont puissantes sur les Hommes.
Les mots les sont encore plus.
Mais qu’en est-il des lettres ?
»

Oui, bonne question. Qu’en est-il de ces lettres que tu relies par Ton propre sang pour tenter de dépasser Ton rationnel et d’aller plus le plus loin possible « au fond des choses » ? De ces lettres que tu utilises… Tu commences à en prendre conscience.
Le simple fait de tracer un a devient un acte sacré, un art millénaire au même titre que celui de reproduire l’Alphabet des Oghams… Ce dernier est relié aux Arbres, écriture sacrée des anciens Druides venue du Dieu Ogma selon la mythologie, et il a même le pouvoir de transmettre les vertus curatives, poétiques ou divinatoires de son Arbres originel.

Pourquoi écris-tu ?
Pour exister ? Pour ne pas sombrer dans la dépression ? Pour continuer d’atteindre le monde des Rêves ? Pour étaler ta science ? Pour assouvir un but égoïste et purement humain de reconnaissance ? Parce que cela t’est vital ? Parce que c’est une maladie ?
Pour trouver un sens à la Vie ?

Et pourquoi écris-tu en Alphabet Latin ?
« Parce que je l’ai appris »
Rien de plus ?
Et si l’écriture latine même, dont la plupart usent sans même y penser, était porteuse d’une lueur symbolique, même faible ?

« Les mots sont une bougie que l’Homme allume ou éteint des deux doigts, le dessin est une boule immémoriale et élémentale de terre. Les mots sont Toile et le dessin est Terre…
Aujourd’hui, tout le monde à son écriture, tracée avec son sang et son âme, reflétant l’être qui l’use ; mais auparavant le traçage des lettres était encore plus codé : écriture carolingienne, semi-insulaire irlandaise, capitale romaine… Et ces trois types d’écritures « officielles » seulement pour l’alphabet latin ; encore aujourd’hui l’écriture arabe est - ou semble être - d’un modèle unique, l’écriture grecque, l’écriture cyrillique, l’écriture chinoise le sont aussi. Autant d’alphabets que de symboles.
Étymologiquement,
lettre vient soit : du radical sanskrit likh - graver, écrire -, soit de linea - enduire .
La lettre est donc faite pour reste gravée dans la mémoire au même titre que le dessin l’est, et la lettre est le fil qui tisse la toile du mot, lequel s’agrandit en phrase, laquelle s’agrandit en un ensemble de phrases et donc de toiles intimement reliées sur lesquelles nous avons suspendus nos vies… Tant de choses tiennent à quelques mots !
Juste continuation du dessin ?
Variante humaine née de sa séparation d’avec le reste du Vivant ?
Épreuve à réaliser pour conscientiser le sacré de l’art de tracer une
belle lettre ?
Les Occidentaux utilisent un ensemble de lettres pour tracer un mot, les Arabes et les Asiatiques, pour ne citer qu’eux, se servent encore du dessin pour former des idées et des émotions.
Mais la lettre n’est-elle pas porteuse d’émotion, selon la manière dont la main la calligraphie ? Un E est plus doux, plus fluide qu’un K rude et frappeur…
»

Pourquoi écris-tu ? Pour trouver un sens à la Vie ?
Mais la Vie n’a pas d’autre sens qu’elle-même. Et son contraire, la non-vie, cette carapace creuse d’indifférence, n’a pas d’autre sens qu’elle-même non plus.
Regarde. Essuye cette buée, souffle cette poussière sur la Fenêtre.
Que vois-tu ?
D’autres boîtes. Certaines avec des fenêtres, d’autres sans, flottant dans le néant. Toutes de béton. Sont-elles habitées ? Sont-elles vivantes ? La non-vie est cette carapace creuse d’indifférence qui étouffe bon nombre qui se croit en vie. La non-vie plonge dans ce bain lourd où même manger est torture, où la présence des autres est torture, avec leurs dialogues insignifiants dont tu te fiches complètement, eux qui t’accusent par leur présence même, d’autant plus insupportables que tu pratiques exactement la même chose. Malheureux existentialisme, malheureuse Raison.
Trier.
Ranger.
Étiqueter.
Classer.
La Vie fait mal car son autre face complémentaire est la Mort, mais seule la Raison nous commande d’en avoir peur car elle ne peut pas la cerner… La Vie fait mal parce qu’elle est vive et ressentie, la Mort aussi, alors que dans la non-vie on ne ressent plus rien.
Il te faut voir.
Ondule tel l’Océan… Tel le Serpent… A travers le labyrinthe.

« Comment voir ? »

Il existe une solution. Oui, celle-là. Tu te lèves, et, implacablement, lances ton crâne à l’assaut du mur. Ta tête se fend, et, comme tu t’écrases, jaillit l’éclair qui aveugle la pièce, déchire la fenêtre et la projette en miette sur le sol et sur ton corps. Avec un bruit de fin d’un Monde et de naissance d’un autre.

[L'étymologie du mot lettre a été trouvée sur le dictionnaire Littré en ligne]


Vendredi 05 Juillet 2013 - 21:59:35
[…]

Flotte, flotte,
Respire, respire,
Dors, dors,

Sur le dur coule le sang.


Crâne ouvert,

Foudroyé,
Arbre
A peine né…

Sur le dur rampe la plante.

Vie éclaboussée,
Inspirée,
Sens exploré,
Expiré,

Sur le dur naît l’énergie.


Forêt de papier,

Indélébile,
Vomissure.

Lianes, lianes et toiles,

Plaques de béton explosées,
Roche, roche-mère,

Sur le dur il est Temps de chanter.


Vendredi 05 Juillet 2013 - 22:02:31
La naissance

Une naissance est toujours extrêmement intéressante, unique et émotionnelle à observer. Les yeux fermés, le nouveau-né reçoit brusquement le souffle de Vie sans lequel il continuerait simplement son sommeil au sein de l’Univers.
Inspire.
Expire.
Tes yeux peuvent s’ouvrir, et observer l’Après : le neuf, ce qui vient à la suite de la tempête qui a ravagé l’Ancien Monde. Qui est coupable de celui-ci, d’ailleurs ? Il nous est facile de trouver un coupable, un malfaiteur à étiqueter d’ennemi, cela nous place automatiquement dans le camp de la victime innocente. Mais ici, le coupable et la victime ne sont autres que toi-même. Tu as créé Ton Illusion, tu l’as détruite alors qu’elle représentait la réalité - mais la réalité est multiple alors que la vérité est une ; tu as donc détruit ta réalité, qui n’est pas synonyme de vérité.

Ce Nouveau Monde est le sol pierreux duquel peut jaillir, si ce n’est la Vérité, une nouvelle réalité ; car ce qui t’entoure est de la roche pure, grise, rugueuse, aux prises, aux fenêtres et aux anfractuosités multiples comme autant de portes sur quelque chose de bien plus profond que ce béton creux dans sa non-vie : ce Nouveau Monde, ta propre création, ta goutte sur la Toile.
Émancipation ? Évasion ? Tu reviens donc au coupable, qui selon ces mots serait donc l’idéologie du moment, la pensée congelée acceptée sans condition ; ce serait alors quelque chose conçue par un Autre, le Maître de la Machine ! Accepter ce coupable-là ne reviendrait qu’à entreprendre une révolution de plus, comme il y en a toujours eu.
L’Idéologie née de la Raison, forgeronne de doctrines fermées qu’on adopte, contre lesquelles on s’insurge pour les remplacer par d’autres nées de la même arme. Nouvelle révolution, nouveau retour à la case départ, nouveau combat pour revenir à la même chose : une pensée dans Seul le nom change et qui vise à conquérir le monde pour le plaisir de ceux qui l’appliquent au détriment des autres qui ne l’ont pas demandée, ce qui inclut tout le Vivant, bien que le plus souvent l’idéologie soit centrée uniquement sur l’Homme.
Construire.
Détruire.
Se battre.
Reconstruire.
Re-détruire…
Un jeu ou la Raison gagne éternellement, où dans tous les cas son but ultime est le règne sans partage et l’immortalité puisqu’elle craint la Mort qu’elle ne peut comprendre et fabrique, pour s’en protéger, le Bien, le Mal, le coupable, l’innocent, l’absolu, etc.
Tout ceci est purement humain.

L’ennemi, la Raison, ou l’humain ? Noir, blanc, blanc, noir. Toujours. Mais blanc et noir finissent par se ressembler à la fin et forment le gris monotone du toujours-la-même-chose, du répétitif qui sans cesse change de forme et de nom. On arrive tout-de-même à se laisser tromper…
Mais alors ? Toi qui formule tout cela, es-tu dans le Bien et les autres dans le Mal et l’illusion ? Qui te dit que tu n’as pas tout simplement donné naissance à une nouvelle idéologie, l’irrationalisme ?

« … »

Ça te la coupe, hein ?
Ton Nouveau Monde chancelle déjà… Alors qu’il vient à peine d’éclore et de nettoyer les derniers restes de béton. Ce n’est que roche, que roche brute, fraîche et lisse sous tes pieds. Ne manque que l’herbe, les Arbres, l’eau courante…
Mais regarde, la première fissure dans ta falaise de roc que tu croyais indomptable. Le premier craquement. La Raison se fait et se défait elle-même pour mieux renaître telle une hydre.

« Comment y échapper ? N’y a-t-il que la Raison, est-elle ma Reine ?
Non, il y a l’Imagination et le Rêve…
»

Comment rêver ?

« En s’endormant… »

Des Étoiles sur la roche…

Mardi 09 Juillet 2013 - 20:08:16
La musique

Comment rêver ?
Dans la non-vie normale, la Raison a tout pouvoir le jour et l’irrationnel prend le relais la nuit, pour être oublié le matin suivant : on ne se souvient que rarement de ses rêves avec exactitude. Un moyen de le faire, lorsqu’ils sont particulièrement marquants, consiste à les transcrire sur papier alors qu’ils sont encore tout frais, sans se soucier des prétendues incohérences contre lesquelles la logique hurlera.
Par un virage philosophique opéré de manière obscure, l’Homme a donné les pleins pouvoir à la Raison qui s’est mise en devoir de contrôler, voire de détruire, l’Imagination. Voilà pourquoi, lorsqu’on voit une œuvre aussi colossale que celle d’Asimov ou de Tolkien, on se sent écrasé ; notre Raison nous chuchote que nous ne pourrions jamais écrire ce que nous imaginons, que nous sommes des moins que rien, etc., - et nous baissons la tête.
Imagination bridée qui hurle pour sa liberté.
Nous l’entendons mais nous ne l’écoutons pas.
Nous l’entendons mais nous ne la comprenons pas.
Nous la sentons mais nous le la ressentons pas.

Pourtant, elle se libère quand la Raison n’y prend pas garde…
Qu’est-ce qui libère Ton Imagination ?

« La musique… »

Celle du Silence.
Celle des Étoiles.
Celle du Vent.
Celle de la Terre.
Celle que tu aimes.
Celle de l’Eau.
Laisse-toi emporter telle la feuille d’Automne sur la rivière blanche, et… que vois-tu ?
La musique de l’Eau… de l’Eau… de l’Eau…